Au Bénin, la majorité présidentielle a annoncé dimanche 31 août, avoir porté son choix sur Romuald Wadagni, ministre de l’Economie et des finances pour être son porte-étendard à la présidentielle de 2026. En réaction à cette désignation, Kèmi Séba, opposant et président de l’ONG urgence panafricaniste a fait un poste intitulé “[BÉNIN | ROMUALD WADAGNI : LE CHOIX DE LA FRANÇAFRIQUE, DONC LE CHOIX DE PATRICE TALON POUR DIRIGER LE BÉNIN APRÈS DES ÉLECTIONS VEROUILLÉES ET TRUQUÉES EN 2026]” (sic).

A la lecture de cette publication qui a enregistré 935 partages, plus de 2200 commentaires et plus de 13000 likes, il convient de distinguer les faits prouvés des affirmations non prouvées ainsi que des opinions qui relèvent des jugements et sont susceptibles de varier d’une personne à une autre.




 

Faits Vs Opinions

 

Comme nous le définissions dans une précédente publication (voir ICI),  un fait est un élément, réel, vérifiable dont on peut apporter la preuve tangible. Il est prouvé, lorsque celui qui l’évoque en donne la preuve universellement admise. Quand la preuve est absente, le fait n’est pas prouvé et relève d’une affirmation infondée. L’opinion, elle, exprime un avis, un ressenti, un jugement, une conviction. Il n’est pas possible d’établir la vérité ou la fausseté d’une opinion parce qu’elle est propre à une personne, un groupe ou une communauté et peut varier d’une personne à une autre.



Dès le titre, Kèmi Séba présente ROMUALD WADAGNI comme “ LE CHOIX DE LA FRANÇAFRIQUE”. Bien que factuelle, cette affirmation est infondée. Le Président de Urgences Panafricaniste ne dit en aucun cas où? quand? et comment? la FRANÇAFRIQUE a porté son choix sur Wadagni. Cette affirmation postule insidieusement qu’il existerait une organisation ou regroupement officielle ou officieuse dénommé FRANÇAFRIQUE. Pour autant, il est de notoriété que la FRANÇAFRIQUE est un concept désignant diverses relations que la France entretient avec les pays d’Afrique dans leur diversité.  Dans son texte intitulé « Françafrique » : le destin méconnu d'un néologisme » paru dans un ouvrage collectif en 2021, le  journaliste Thomas Deltombe permet d’ailleurs de comprendre toutes les évolutions que le concept a connues.



En dehors du titre, la publication de Kèmi Séba se subdivise en 04 paragraphes. Dans le premier paragraphe, il présente le ministre Romuald WADAGNI, comme le “chouchou de MACRON, ALASSANE Ouattara”. Cette affirmation est une perception subjective. A part, la photo d’illustration dans laquelle on aperçoit Wadagni entouré des Présidents Macron et Ouattara, Kèmi Séba ne donne aucune preuve soutenant son assertion. 

 

Une recherche d’image inversée permet de découvrir que cette photo a été prise en marge de la signature d’accord, le 20 décembre 2019, à Abidjan (voir ICI) entre la  zone Franc Afrique de l’Ouest et le gouvernement français, mettant fin à l’obligation de conserver 50% de ses réserves de change dans les livres du Trésor français ouverts à la Banque de France. En sa qualité de président du conseil des ministres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), le ministre béninois de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni a paraphé les documents avec son homologue français Bruno le Maire, rapporte à ce sujet, Financial Afrik.



Dans ce même paragraphe, Kemi Séba écrit que Wadagni est un “pion visant à permettre à Patrice Talon de TENTER de continuer à diriger en coulisse”. Ce passage qui reprend des éléments du titre donne également droit à une opinion. Kèmi Séba suspecte et assimile Wadagni à une marionnette de Talon à qui il prête l’intention de vouloir gouverner par procuration. 

 

Il n’est en effet pas établi que le candidat adoubé d’un président en fin de mandat devienne un dirigeant manipulable à la guise de son prédécesseur. Le cas angolais entre João Lourenço et son prédécesseur José Eduardo dos Santos ou encore celui récent en RDC entre Joseph Kabila aujourd’hui traduit devant la justice et son successeur Félix Tshisekedi ne gagent de rien dans la suite de la succession au pouvoir.

 

La suite de ce premier paragraphe parachève l’opinion de Kèmi Séba qui soutient que le dessein d’un président manipulable par Talon se réalisera “après des élections truquées via un code électoral qui empêche la majorité des candidats de l’opposition de se présenter librement”. Il est à souligner que le code électoral suscite des controverses en raison de certaines dispositions dénoncées par des acteurs de la classe politique et de la société civile béninoise. Pour autant,  affirmer qu’il « empêche la majorité » sans citer de chiffres ou exemples précis est infondé.



Au deuxième paragraphe,  Kèmi Séba désigne Wadagni comme “responsable de la politique D’INJUSTICE SOCIALE CARACTÉRISÉE QUI SÉVIT DEPUIS BIENTÔT 10 ANS”.  Il le présente aussi comme “blanchisseur de capitaux en chef” et “plus grand responsable de l’aggravation des inégalités sociales au Bénin”. Ces passages traduisent aussi un jugement dépréciatif et pointe un coupable dont la culpabilité dans les faits mis à sa charge n’est établie par aucune instance habilitée. Aucune source judiciaire, rapport officiel ou enquête journalistique ne vient l’étayer.



Le paragraphe suivant est tout aussi d’opinion. Il fait de Wadagni un  “SERVITEUR ET AGENT D’INFLUENCE” des dirigeants occidentaux. Là aussi,  aucun  rapport officiel ou enquête journalistique ne vient l’étayer.



Tout comme les précédents, le quatrième et dernier paragraphe a accentué une opinion faite de jugements sans concession qualifiant le processus électoral de “GROTESQUE ET EXCLUANT”. Kèmi Séba use également de vocabulaire susceptible de choquer et radicaliser avec l’emplois des termes comme “DOMINATION”, “CASTE FRANÇAFRICAINE”, “BOURGEOISIE COMPRADORE”  qui n’apportent aucun élément vérifiable. 



En bref

 

Loin d’être factuel, le post de Kèmi Séba en réaction à la désignation de Romuald Wadagni pour être candidat de la majorité présidentielle est une opinion. Il est truffé de formulations subjectives ou jugements, d’accusations sans preuves, de généralisations abusives, d’amalgame et de procès d’intentions.  Cela dit, autant les faits sont sacrés, les opinions sont libres. 



NB : Ce décryptage que Badona vous propose entre dans le cadre de sa contribution pour un débat public sain en période électorale dans lequel les faits permettent aux citoyens de faire des choix éclairés. 

 

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