Désinformation en période électorale :  “La liberté de s’exprimer n’est pas la liberté de raconter des mensonges”

Quels sont les fondamentaux que défendent le RECEF ? 

Le RECEF, c’est le réseau des compétences électorales francophones. C’est un réseau qui regroupe des organes de gestion  des pays qui ont en partage le français et bien d’autres pays aussi qui s’intéressent à l’espace francophone. 

En se réunissant, nous avons pour objectif fondamental de partager nos expériences dans la conduite des processus électoraux. L’objectif étant de promouvoir une meilleure organisation des élections dans nos pays et de participer par là à l'ancrage de la démocratie et de la bonne gouvernance dans les Etats. 

A Cotonou, vous avez organisé un séminaire du mardi au vendredi 25 octobre 2024  sur le thème : ‘’Manipulation de l’information au cours du processus électoral, à l'ère des médias numériques et des réseaux sociaux ?’’. Qu’est qui a motivé le choix de cette thématique ? 

Ce choix nous est imposé par l’actualité mais aussi par les évènements que nous avons pu connaître ces dernières années dans la conduite des processus électoraux dans les différents Etats. Nous nous sommes rendus compte que la désinformation est devenue un phénomène pesant, une menace pour la démocratie, une menace pour le bon déroulement des processus électoraux parce qu’une information diffusée avec malveillance est de nature à provoquer la violence, à jeter du discrédit sur le travail fait par la commission ou discréditer des candidats et constitue même par là, des moyens d’ingérence parfois extérieures sur la poursuite des processus électoraux. Comme tel, c’est une menace mais cette menace est amplifiée par l’utilisation de vecteur important qui sont les réseaux sociaux qui font circuler l’information à large échelle qui peuvent créer de l’émoi au sein de la population alors même que nous sommes sur des bases qui sont fausses. Les réseaux sociaux sont des moyens formidables de communication, nous-mêmes nous les utilisons et c’est un moyen important pour nous de sensibiliser, de parler aux citoyens. Mais si ces réseaux sont utilisés pour nuire évidemment c’est devenu un danger. Il est important que nous puissions examiner comment ces réseaux sociaux demeurent une opportunité et non pas comme une menace sur nos processus. C’est une menace, il nous faut prendre des contre-mesures pour pouvoir préserver l'intégrité de nos processus.

Comment la désinformation ou la manipulation de l’information impacte-elle un processus électoral ?

La désinformation électorale, il faut situer cela en tant que menace à plusieurs niveaux. La désinformation dans un processus électoral peut viser d’abord les candidats. En général, il s’agira d’actions malveillantes souvent entre concurrents ou bien conduites par des puissances pour leurs intérêts. L’objectif étant de  dénigrer un candidat par des informations qui sont fausses. C’est à dire s’appuyer sur de fausses informations pour mettre en doute la crédibilité d’un candidat vis-à-vis de l’opinion. 

La désinformation peut également viser le travail de l’organe de gestion. Il y a des moments clés dans le processus électoral où il est nécessaire de garder la confiance de l’ensemble de l’opinion. Dans une élection, la confiance est un élément important à la fois pour les candidats qui compétissent, pour les électeurs qui ont besoin d’être sûr que le processus est intègre. Chaque fois que des informations vont être véhiculées de nature à remettre en cause la crédibilité du processus, la sincérité du processus, évidemment cela constitue une attaque contre l’intégrité du processus. Et cela va passer par quoi ? On va par exemple s’attaquer à l’organe de gestion des élections à travers ses membres en exemple la mauvaise conduite ou à jeter le doute sur leur crédibilité. Au-delà du travail, ça va viser le travail qui est fait. Tout de suite, on va par exemple, pendant qu’on est en train de réviser le fichier électoral pour les élections, l’organe de gestion des élections peut donner un programme, des gens peuvent faire circuler une information pour donner un autre programme pour tromper les électeurs. Ou bien pendant qu’on est en train de recevoir les candidats, on peut donner des informations sur l’exigence de telle pièce pour créer le doute chez les candidats. Et puis, pendant la période de proclamation des résultats, des gens peuvent circuler de faux résultats. Ce qui peut être une source de violences. Cela peut-être extrêmement dangereux à la fois pour la crédibilité des résultats mais aussi pour le maintien de la paix dans les différents pays. 

Quelles sont les conséquences de la désinformation en période électorale ? 

Dans une élection, la confiance est un élément important. Dès que les gens vont avoir de doute sur la crédibilité des hommes qui conduisent le processus, sur la crédibilité des hommes qui sont candidats ou la régularité de la conduite du processus, cela contribue à un rejet des résultats. Et un rejet des résultats, vous savez ce que ça peut donner. Des candidats vont s'appuyer dessus pour appeler leurs militants à sortir dans les rues. Cela peut contribuer à des violences et vous savez très bien que cela constitue une menace pour la paix sociale. Nous avons vu également dans le cadre de cet atelier que cela peut viser des aspects liés au genre. Nous avons vu par exemple que les femmes qui sont engagées dans les processus électoraux subissent des conséquences spécifiques liées à leur genre. C’est devenu un moyen assez facile pour certains candidats d’attaquer leur adversaire lorsqu’elle est femme. Par exemple, en fomentant des informations liées soit à sa moralité, soit à sa vie familiale ou une information de ce type avec pour objectif de déstabiliser la personne. La liberté de s’exprimer n’est pas la liberté de raconter des mensonges, ce n’est pas la liberté de dénigrer, la liberté de diffamer et sur des bases fausses. Lorsque vous dites la vérité, personne ne vous en voudra mais mentir à des fins de tromper, de tromper l’électorat, en jetant de doute sur des individus alors que cela n’est pas vrai, en jetant de toute sur la régularité sur la conduite du processus alors que cela est faux est illicite et il nous faut combattre. Le combat est immense mais il faut y travailler. 

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Comment comptez-vous contourner le piège de la désinformation pour des élections paisibles, crédibles et transparentes dans l'espace francophone ? 

C’est un piège comme vous le dites mais, ce cadre constitue une plateforme d’échanges entre nous , il permet aux uns et autres d’exposer leurs stratégies. Dans le cadre de ce séminaire, nous avons fait une formation sur un plan d’actions sur la lutte contre la désinformation. L’occasion est donnée aux uns et autres de découvrir comment on peut faire les choses. C’est qu’on peut retenir plus globalement, c’est qu’il faut être proactif, réactif et il faut avoir de la collaboration avec d’autres acteurs. 

Pro-actif consiste pour les organismes de gestion des élections de faire l’effort de donner l’information parce que c’est quand on a pas l’information que les uns et les autres vont supputer. Il faut également réagir et réagir en temps réel lorsqu’il y a des rumeurs qui sont diffusées. Cela passe par des contacts, par des relations qu’il a avec les médias sur lesquels il faut s’appuyer pour rétablir la bonne information. Par la suite, c’est d’avoir beaucoup d’acteurs comme partenaires pour faire un monitoring de ce qui se fait, ce qui se dit et ce qui se fait dans les médias. Nous, en tant qu’organismes de gestion des élections, on n'est pas en mesure de faire tout ça mais, on peut être appuyé par des organisations des médias, on peut être appuyé par des organisations de la société civile. On peut également être appuyé par d’autres institutions comme les institutions de régulation de médias. Par exemple, au Bénin, nous avons la HAAC mais dans d’autres pays ça prend d’autres noms. Il y a la justice, il y a les forces de défense et de sécurité , il y a les services de renseignement. Tous ces acteurs, il faut travailler avec eux. Ils peuvent tous contribuer pour permettre de détecter les fausses informations et pouvoir donc apporter la réponse.

Le séminaire de Cotonou était annoncé pour être une rencontre de recherche de solutions, mieux, de stratégies des organismes de gestion des élections dans ce contexte de désinformation. Que peut-on retenir des conclusions ? 

S’il y a des choses qu’il y a retenu de cet atelier, c’est qu’il y a la nécessité pour chaque organe de disposer d’une sorte une stratégie ou un plan d’action contre la désinformation parce qu’il ne faut pas rester les bras croisés. Il faut que chacun développe les moyens. Les pays ne sont pas les mêmes. On a pas les mêmes structurations dans l’organisation des élections mais le plus important, chacun à son niveau avec le cadre juridique qu’il a doit faire en sorte d’avoir un schéma de gestion et comme tel s’appuyer sur les acteurs et les textes pour contrer efficacement la désinformation lorsque la période électorale arrive. 

Quelle sera la suite de ce processus de recherche de solutions  contre la manipulation de l’information en période électorale ?

Il est prévu que les organes de gestion des élections qui veulent partager d'expérience entre eux, fassent  des déplacements dans d’autres pays pour voir comment les intéressés luttent contre la désinformation. C’est ce qu’il y a comme perspective. Mais nous espérons que ce qui est dit lors du séminaire permet à chaque pays de pouvoir se construire une stratégie pour faire face au phénomène. 

Le Bénin accueille en 2026 des élections générales, une première de son histoire, il y a-t-il des initiatives pour accompagner la CENA, membre du RECEF ? 

Le RECEF ne fait pas d’assistance électorale contrairement à d’autres organisations. Mais il arrive des fois où nous déployons des missions d’étude et de soutien par les pairs. Actuellement nous déployons des présidents d’OGE et des membres d'organes de gestion des élections qui vont venir dans un premier temps pour étudier et découvrir au plus près le système électoral qui est mis en œuvre mais aussi soutenir techniquement. C’est ce type de mission que nous déployons et nous le faisons à la demande du pays. Si le Bénin fait une requête, nous le ferons dans la mesure du possible si l’agenda le permet. 

Quand on parle d’élections, on entend démocratie, quel regard portez-vous sur la démocratie dans l’espace francophone et au Bénin ?

On est en charge d’une des manifestations les plus visibles de la démocratie à travers les élections. Mais la démocratie, ce n’est pas que les élections, la liberté de la presse et d’autres aspects. Pour ce qui concerne les élections, si nous voulons parler du Bénin, nous nous garderons de faire beaucoup de commentaires. Il y a quand même une régularité. C’est quelque chose qu’il faut saluer. Après il y a d’autres pays qui connaissent de difficultés liées aussi à d’autres crises. Vous savez très bien que nous avons une crise sécuritaire qui sévit dans plusieurs pays dans le monde. Il y a notre sous-région, le Sahel qui connaît ces difficultés où la crise sécuritaire a impacté le fonctionnement normal de la vie démocratique dans ces pays. Nous sommes convaincus. Cela ne signifie pas que ces pays ne sont pas attachés à la démocratie. Seulement ils subissent de plein fouet un phénomène qui perturbe les fondamentaux de l’Etat, la vie sociale plus globalement et impacte aussi la vie démocratique. Notre espoir est que tous ces pays puisse revenir, que les choses s’arrangent, que le terrorisme soit vaincu que ces pays puissent revenir à la normalité. 

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